Des «thérapies de conversion» offertes et prodiguées au Québec

Des «thérapies de conversion» à l’hétérosexualité, des «thérapies réparatrices» ou des «pratiques de réorientation sexuelle» sont offertes et prodiguées au Québec à des personnes homosexuelles, confirme une recherche de l’Alliance Arc-en-ciel de Québec (Alliance) rendue publique en mai, à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie.
Un membre de cet organisme de défense des droits des personnes LGBT+ lui avait rapporté l’existence de telles pratiques au Québec, lorsqu’elle recueillait des commentaires pour rédiger son mémoire dans le cadre des consultations sur le Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2017-2022.
Deux étudiants universitaires, Alex Saulnier (baccalauréat en anthropologie à l’Université Laval) et Daniel Gosselin (baccalauréat avec majeure en so-ciologie et mineure en intervention communautaire à l’Université du Québec à Chicoutimi) ont documenté ce phénomène (appel sur les médias sociaux pour remplir un formulaire en ligne, entrevues, recherche documentaire) durant un stage effectué à l’Alliance.
Entre octobre 2017 et février 2018, sept personnes âgées de 18 ans ou plus et ayant vécu au Québec un traitement pour «guérir leur homosexualité» ont témoigné de leur expérience dans un formulaire publié sur le site Web de l’Alliance. Trois d’entre eux leur ont ensuite accordé une entrevue. Pour conserver leur anonymat, les chercheurs peuvent seulement préciser qu’ils ont interviewé un homme et une femme d’une vingtaine d’années, ainsi qu’un homme dont l’âge se situe entre 50 et 64 ans. Durant leur enfance, ils vivaient dans une famille, dont la religion était pratiquée avec assiduité (catholicisme, protestantisme, évangélisme ou pentecôtiste).
«Lorsque ces trois personnes étaient mineures, des autorités religieuses les ont soumis à des pratiques de réorientation sexuelle comportant des sévices physiques et psychologiques», rapporte en entrevue à Fugues Alex Saulnier. À titre d’exemple, elle mentionne qu’un enfant de 12 ans a dû jeûner durant trois jours pour être ensuite subir une séance de délivrance où il se faisait crier dans les oreilles, sous contention, pendant une trentaine de minutes. «Elles voulaient ainsi exorciser leur homosexualité qu’elles consi-déraient comme un démon.» La chercheure souligne que ces personnes ont vécu une détresse psychologique importante pendant plusieurs années (peur, honte, stress intense, épisodes dépressifs, idées suicidaires ou tentative de suicide), de même qu’un retard dans leur développement affectif et social.
Aujourd’hui, les deux jeunes adultes vivent leur homosexualité au grand jour. «Il y a eu une rupture avec leur foi, puis un processus lent d’acceptation de leur orientation sexuelle, notamment en changeant de milieu scolaire (non religieux) ou grâce à un groupe de soutien LGBT+. Ils sont néanmoins restés en contact avec leur famille. Ils ont établi une forme de conciliation entre leur orientation sexuelle et leur vie familiale.» En ce qui a trait à l’homme plus âgé, il envisage de suivre une autre «thérapie de conversion». «Nous lui avons conseillé d’autres options (organisme Interligne, psychologue) et nous continuons de l’accompagner», indique le directeur général de l’Alliance, Louis-Filip Tremblay.
Les chercheurs ont aussi répertorié le site Web de l’organisme québécois Ta vie Ton choix (TVTC). «Si la plupart cherchent à savoir pourquoi ces attraits surgissent en eux et d’où ils proviennent, certains, inconfortables, font un pas de plus et demande une aide professionnelle pour s’y adapter (thérapie d’acceptation) ou pour en être libérés (thérapie de réorientation), mentionne TVTC dans son message de bienvenue. TVTC veut offrir de l’aide à toute personne désirant faire la lumière sur ces attraits.»
TVTC offre trois services: atelier pour prendre «le chemin de l’hétérosexualité», groupe de soutien et thérapeute «qualifié» pour se libérer «des pensées, attraits ou comportements homosexuels». L’Alliance se questionne sur les qualifications professionnelles de ces thérapeutes et la légalité d’utiliser le terme «qualifié».
TVTC se défend toutefois d’être homophobe. «TVTC prendra des mesures légales contre toute personne qui manipulera l’information diffusée sur ce site, de manière à laisser croire que notre organisation est homophobe, religieuse, qu’elle diffuse un discours haineux ou une idéologie fanatique ou intégriste», précise-t-on en caractères gras dans la section Homophobie.
Recommandiations de l’Alliance
Son mémoire sera remis à la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. Elle souhaite ainsi «sensibiliser les instances publiques et la population à cette forme d’homophobie qui subsiste toujours au Québec, bien qu’elle semble invisible». Elle émet certaines recommandations à l’intention du gouvernement du Québec, notamment les suivantes: soutenir les victimes dans leurs démarches de reconstruction (aide financière pour obtenir du soutien psychologique et information pour poursuivre les auteurs des sévices), sensibiliser les directions de protection de la jeunesse pour qu’elles interviennent auprès des jeunes victimes de thérapies de conversion et approfondir les connaissances liées aux pratiques de réorientation sexuelle au moyen de recherches universitaires et de consultations publiques. Elle demande également à l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ) de mo-difier son avis Les interventions qui visent à changer l’orientation sexuelle (2012) pour «ne pas reconnaître les pratiques de réorientation sexuelle comme de la psychothérapie». Soulignons que l’OPQ n’approuve toutefois pas ce genre de psychothérapie. «Étant donné l’état de la recherche sur ces questions, il serait contraire à l’éthique et à la déontologie de présenter aux personnes homosexuelles désireuses de s’engager en psychothérapie, une intervention visant à changer l’orientation sexuelle comme une façon de les traiter. Non seulement ce n’est pas avéré, mais cela risquerait de susciter de faux espoirs et être à la source d’une plus grande détresse devant l’échec prévisible de ce traitement», précise l’OPQ dans cet avis.
L’Alliance aimerait bien rencontrer les autorités religieuses pour les sensibiliser aux effets néfastes des thérapies de conversation. «La religion n’explique pas tout et n’excuse pas tout, surtout quand des personnes mineures sont concernées», argue Louis-Filip Tremblay.
source : http://www.fugues.com/

 

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