Il y a 50 ans, le 10 mars 1971, un groupe de militantes féministes, issues du Mouvement de libération des femmes (MLF) perturbait l’émission de RTL Allô Ménie, puis créait dans la foulée le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR).
Tout est parti d’une réunion lesbienne au sein de l’association « homophile » Arcadie, début 1971, à l’initiative d’Anne-Marie Grélois. Plus d’une cinquantaine de femmes y ont assisté, certaines d’entre elles venue du tout jeune MLF. Une partie d’entre elles ont ensuite formé un petit groupe de militantes. Quelques hommes, dont le journaliste Pierre Hahn ont voulu rejoindre le groupe. Après deux actions lors de meetings anti-avortement du Professeur Lejeune, le groupe décide de s’attaquer à l’émission de RTL Allô Ménie, animée par Ménie Grégoire. L’édition du 10 mars est consacrée à l’homosexualité. Pierre Hahn fait partie des invités et il a obtenu des places pour le groupe de militantes féministes et lesbiennes. Outre le journaliste gay, Ménie Grégoire a invité en plateau André Baudry, président d’Arcadie, mais aussi un médecin et un prêtre. Outrées par les échanges, les militantes finissent par monter sur scène et interrompre l’émission au cri de « Liberté! Liberté! ». Ménie Grégoire lance alors cette formule « Alors là je dis qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire. Des homosexuels de tout ordre ont envahi la scène… » Puis RTL coupe la diffusion.
Le soir-même, le commando à l’origine de l’action se retrouve et fonde le Front homosexuel d’action révolutionnaire, qui se réunira pendant trois ans à l’amphithéâtre des Beaux Arts, rue Bonaparte.
Rupture dans le mouvement homosexuel français
Par sa visibilité, ses actions coup de poing et la rhétorique révolutionnaire qui en émane (notamment dans son célèbre Rapport contre la normalité), le FHAR marque une rupture dans la mouvement homosexuel français jusqu’ici dominé par Arcadie, le mouvement créé en 1954, qui prônait la discrétion et la respectabilité.
Les discussions politiques enflammées des débuts, avec des figures comme Guy Hocquenghem, Daniel Guérin ou Françoise d’Eaubonne, finissent par laisser place à un « bordel » généralisé, avec dans l’assistance beaucoup d’hommes plus intéressés par la possibilité de rencontres sexuelles que par la révolution. Cela pousse notamment quelques unes des fondatrices du FHAR à créer les Gouines Rouges, qui se réunit d’abord dans le cadre du FHAR avant de devenir autonome, à mi-chemin entre le FHAR et le MLF.
A la demande des Beaux Arts, la police met un terme aux réunions du FHAR en 1974. Le mouvement a eu une existence relativement brève, mais influence de manière déterminante le mouvement militant homosexuel, comme l’analyse l’historien Michael Sibalis: « En ce qui concerne l’héritage du FHAR aujourd’hui, on peut dire que les militants des années 80 et 90 sont tous (comme ils l’ont eux-mêmes dit en 1991) les « enfants du FHAR », avec cependant une mutation significative (…). Du milieu à la fin des années 70, le mouvement gay s’est éloigné des tactiques provocatrices et de la rhétorique révolutionnaire du FHAR pour s’orienter vers le réformisme, la formulation de demandes spécifiques pour réclamer l’égalité des droits et un lobbying politique continu. ».
Au FHAR succèdent les Groupes de Libération Homosexuelle (GLH), puis le Comité d’Urgence Anti-Répression Homosexuelle (CUARH), dont les revendications seront plus spécifiques et porteront notamment sur l’abolition des discriminations à l’égard des gays et des lesbiennes, avec comme première cible les alinéas du code pénal hérités de Vichy. Mais c’est déjà une autre histoire…
Hornet
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