Mauvais traitements entre hommes gays

Le 14 octobre dernier, la revue américaine Advocate publiait un long article sur le thème de l’agressivité dans la communauté gay. Le chroniqueur Jamie Tabberer se demandait notamment pourquoi les hommes gays étaient si durs et méchants entre eux ? Une question non dénuée de pertinence et qui mérite effectivement qu’on se penche dessus de plus près.

La question que se posait exactement Jamie Tabberer était : “Mais pourquoi (certains) hommes gays peuvent-ils se montrer si cruels entre eux ?” II est vrai, les gays n’ont pas la réputation d’être forcément toujours très tendres les uns envers les autres. Dès les origines de la communauté, avec la multiplication des lieux de rencontre et les échanges à l’intérieur de cercles fermés, les gays ont adopté une façon bien à eux de se parler, avec leurs propres codes et repères. Ils ont aussi développé leur propre humour, une manière de se traiter sur le ton de la moquerie ou de la plaisanterie, parfois plein d’esprit mais aussi avec des pointes qui peuvent être féroces.

Un humour très particulier

 

L’humour gay n’hésite pas à dénigrer et peut faire mal. À quoi pense-t-on quand on fait référence au langage d’une bitch ou d’une drag ? À quelque chose d’incisif, indéniablement drôle, mais aussi parfois un peu méchant… Cet humour a marqué la communauté au point que plusieurs hommes gays l’ont adopté pour eux-mêmes et l’utilisent au quotidien. Dès lors, les occasions de blesser sont nombreuses. Et chez certains, il semblerait que le côté bon enfant et spirituel qui primait à l’origine se soit estompé avec le temps pour ne laisser plus place qu’à l’amertume et à la critique. L’humour gay est indéniablement un des premiers éléments à expliquer d’où pourrait venir cette manière de se traiter qu’ont les gays entre eux, mais il n’est pas le seul.

 

Avec le développement des critères physiques de beauté, des critères souvent très importants pour les membres de la communauté gay, s’est développé parallèlement un réflexe d’évaluation systématique des uns et des autres. “Il est comme ci…”, “Il est comme ça…”Il n’est pas rare de voir des gays utiliser des notes ou des barèmes pour s’évaluer entre eux, comme à l’école ou sur un marché. Ce besoin de classer tout le monde en fonction de ses propres critères est un comportement très déshumanisant, qui conduit rapidement à déprécier les autres, à ne les voir plus que comme des marchandises, de simples objets, voire des jouets, qui sont à notre disposition et dont on peut faire ce que l’on veut. Cette échelle de valeur conduit forcément à un manque de respect entre les membres de la communauté, à des excès de langage ou à des comportements inappropriés, comme par exemple vulgaires, méchants, humiliants, dénigrants voire violents.

Des critères d’évaluation très (trop) stricts

 

Depuis les origines, s’aventurer dans un lieu de drague gay est un véritable exercice d’humiliation publique, où chacun rejette l’autre bien plus qu’on ne lui sourie, où on ferme des portes, lève les yeux au ciel et pousse des soupirs exaspéré à la face de son semblable. Vraiment pas facile à vivre et à accepter ! Ainsi, d’une manière générale, la drague entre gays est loin de se faire dans la bonne humeur et l’allégresse. On classe, on rejette. Sur les sites de rencontre, virtuels comme réels, c’est le même traitement. Mais s’il en a toujours été ainsi, aujourd’hui c’est pire que jamais. Quant aux réseaux sociaux, comme on le sait, il n’ont fait que libérer la parole et généraliser des tendances qui existaient déjà chez les uns et les autres. Les altercations sont fréquentes et les insultes fusent rapidement.

 

La communauté gay a fini par développer face aux uns et aux autres des exigences toujours plus élevées, qui ont donné lieu du même coup à tout un système d’exclusion et de rejet. Aujourd’hui, il faut être comme ci ou comme ça, sous peine d’être exclus. Il faut avoir tel comportement et pas tel autre, sous peine d’être rejeté. Il faut adopter tel accoutrement et pas tel autre, sous peine de ne plus être regardé. Il faut aller dans tel établissement et pas dans tel autre, sous peine de ne plus être considéré. Etc. Et si c’était déjà comme ça avant, c’est encore pire maintenant avec tous les courants et les tendances qu’il faut suivre pour être branché. La pression est extrême, quasi permanente, et elle produit forcément du stress, des peurs et de l’angoisse. Autant d’éléments qui n’aident pas à établir un climat serein et apaisé dans les échanges.

Un recours facile à l’exclusion et au rejet

 

Si on ajoute à ça que les gays sont continuellement exposés à la violence dans la société, dès leurs premiers éveils, et qu’ils sont particulièrement habitués à toutes les formes de mauvais traitements, dépréciations, mépris, dénigrements et humiliations, il se peut fort bien que certains décident de retourner cette violence contre les autres, et même contre d’autres gays, ne serait-ce que parce qu’ils n’ont jamais connu aucune autre manière de faire.

 

Jamie Tabberer a raison. Les mauvais traitements entre gays sont encore trop nombreux et il s’agit d’une situation inacceptable. Non seulement parce qu’elle n’a pas lieu d’être mais aussi, et c’est bien pire, parce qu’elle peut entraîner de nombreux abus et excès de violence. Apprendre à se respecter les uns les autres et à s’apprécier tels que nous sommes, sans se dénigrer ni se rabaisser, est un des grands défis qui reste à relever dans les années à venir.

 

 

 

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